14 Octobre 2016
Un sujet un peu aride, mais qu'il est nécessaire de traiter dans l'intérêt de la reconnaissance des ouvrages de fortification littorale du milieu du XIXe en France (rien que ça).
Lors d'une visite de batterie de côte, il arrive fréquemment de tomber sur ceci :
Des blocs de pierre de taille quadrangulaires, d'environ un mètre de côté, d'où émergent parfois quatre tiges filetées disposées en quinconce (quand ce ne sont pas ces tiges filetées seules - munies ou nom d'écrous - qui émergent du sol).
Des vestiges de socles de canons du Mur de l'Atlantique (voir ici pour deviner la réponse) ?
Là il y a un piège : l'ouvrage bétonné (français ?) masque en partie le bloc du XIXe siècle (château d'If, Marseille)
Les canons de 30 livres et les obusiers de 22 cm attribués aux batteries par la commission d'armement des côtes de 1841 sont mis en œuvre sur des affûts de côte à châssis pivotant, en bois puis, de plus en plus, en fer.
Ces affûts nécessitent l'aménagement de plates-formes dans les batteries afin de les y disposer et les faire pivoter. Si celles-ci sont entièrement en maçonnerie, c'est le Génie qui se charge de la construction, si elles sont tout en bois, c'est l'Artillerie (au moment de l'installation des pièces), et dans le cas de plates-formes mixtes le Génie se charge des fondations de la partie soutenant l'axe de rotation du châssis, tandis que la pose des madriers soutenant le chemin de roulement incombe toujours à l'Artillerie.
En 1859, le ministère de la Guerre décide le remplacement des plates-formes en bois par des plates-formes mixtes, et demande l'installation des "dés en maçonnerie" dans les batteries qui n'en sont pas encore munies. C'est chose faite au cours de la première moitié des années 1860.
Le "dé" en pierre de taille sur lequel est boulonnée la sellette en fer qui accueille la cheville ouvrière de l'affût, et qui doit donc supporter une partie du poids de l'ensemble canon-affût, plus le choc du tir, est calé sur une assise plus large de blocs de pierre de taille cramponnés entre eux, qui repose elle-même sur des fondations en maçonnerie ou en béton.
C'est donc ce "dé" qui est souvent encore en place à l’aplomb du mur de genouillère. Parfois ces blocs ont été déplacés, retournés, détruits, ce qui complique leur identification.
Petit florilège :
Blocs déplacés et retournés (fort de Pen-Mané, Locmiquelic), bloc déplacé et assise au second plan (fort de Porh-Puns, Gâvres)
Batterie de la Grande Conche (Yeu), bloc réemployé dans un enrochement devant la batterie du Grouin (Ré)
Blocs et assises épars (Ilot Degaby, Marseille), blocs et restauration intempestive d'une tourelle d'escalier (fort Saint-Jean, Marseille)
Etude de blocs déplacés à la batterie de la Mauresque, et bloc en place à la batterie d'Ullastrell (Port-Vendres)
Maintenant, vous n'avez plus d'excuse si vous ne les reconnaissez pas.
P. Jadé
Sources :
Service historique de la Défense, Vincennes, archives du Génie et de l’Artillerie