10 Mars 2017
Ou quand la mémoire des éléments défensifs du littoral se perd.
La batterie du Pouldu en Guidel fait partie des positions d'artillerie de côte conservées et modernisées par la "Commission mixte d'armement des côtes de la France, de la Corse et des îles" de 1841 pour la défense de l'anse du Pouldu, point de débarquement tout désigné pour une attaque de Lorient. Les aménagements défensifs construits suite à la descente anglaise d'octobre 1746 existent toujours au début du XIXe siècle. Au Pouldu en Guidel, il s'agit d'une redoute en terre placée en retrait du littoral, soutenant à distance deux épaulements pour canons établis en bordure de la falaise. Le dispositif hérité du XVIIIe siècle se compose également de la batterie du Pouldu en Clohars - sur la rive droite de la Laïta -, de la redoute et des batteries du Loch et de la batterie de Kéragan. Comme ils sont étroitement associés à la défense d'un port militaire, les ouvrages du Pouldu sont prioritaires dans l'attribution des crédits pour la réalisation du programme de la commission de 1841.
L'armement attribué à la batterie du Pouldu en Guidel se compose de cinq obusiers de 22 cm (plus quatre obusiers de 16 cm sur affût de campagne pour la redoute). Un corps de garde crénelé du type de 1846 doit compléter la batterie. Les premiers projets établis à la fin des années 1840 le positionnent dans l'ancienne redoute en terre du XVIIIe siècle. Il est finalement construit plus près des emplacements d'artillerie, immédiatement en retrait de la côte, ce qui nécessite la construction d'un massif terrassé pour l'abriter de tirs venant du large. La batterie et le corps de garde sont achevés en 1848 (mais les dés en maçonnerie pour les plates-formes des canons sont installés seulement au début des années 1860).
Le corps de garde crénelé est un modèle n° 2, pour quarante hommes. Il est difficile à identifier de nos jours car ses vestiges se réduisent à trois pièces voûtées très ruinées représentant environ un quart de la structure totale. Ce sont les deux magasins à poudre séparés par le magasin d'artillerie. Les deux travées centrales (chambrées de troupe, cuisine et magasin aux vivres) et les locaux de gorge (chambres du chef de poste et du gardien, entrée) sont complètement effondrés.
Comment en est-on arrivé là ?
Bien que la batterie n'a plus de rôle militaire après 1870, les photographies aériennes prises avant la Seconde Guerre mondiale montrent un corps de garde encore en bon état. Dans les années 1950, il a perdu le parapet de sa terrasse (enlevé par les Allemands pendant la guerre pour diminuer la visibilité ?) tandis qu'une partie de la façade s'effondre déjà. Vers 1970, l'effondrement est général, à l'exception des parties survivant actuellement. Il semblerait que l'ouvrage a servi de carrière...
Vue des façades du moignon de corps de garde : toutes les pierres de taille est les moellons du parement vu ont été récupérés
Localement, du fait de la ruine rapide du corps de garde et de l'envahissement de la batterie par la végétation et les ouvrages allemands, la mémoire de la présence d'un ouvrage du milieu du XIXe siècle s'est perdue en quelques dizaines d'années à peine.
Un projet de valorisation porté par la mairie de Guidel, la communauté d'agglomération de Lorient et l'association Histoire et Patrimoine de Guidel est à l'étude. La redoute du XVIIIe siècle existe également toujours. Elle abrite un sémaphore du XIXe siècle.
Nous invitons les promeneurs et les surfeurs à regarder dorénavant ces ruines étranges avec un oeil nouveau...
P. Jadé
Sources :
Service historique de la Défense, Vincennes, archives du Génie
Orthophotographies aériennes : Ifremer, IGN