La fortification du XIXe siècle : connaître et partager
12 Avril 2018
La fortariciologie (nom féminin) peut être définie comme l'étude de la fortification et de l'évolution de ses formes des origines à nos jours. Discipline incluse dans la polémologie, empruntant à la poliorcétique, à l'architecture, à l'archéologie, à l'histoire, à la géostratégie et à la géographie (qui sert d'abord à faire la guerre, c'est connu), la fortariciologie a pour objet toutes les formes architecturales à vocation défensive (passive ou active) édifiées par le genre humain depuis qu'il sait creuser la terre, empiler des cailloux et affûter des pieux : la clôture de jardin néolithique l'intéresse autant que le silo atomique.
Pour l'instant, la seule expression correspondante est "histoire de la fortification". C'est un peu terne et c'est dommage. D'autres disciplines proches ont su se donner un nom original avec succès :
La castellologie (due à Michel de Boüard sous forme de boutade vers 1968) est l'étude des châteaux médiévaux, dans toutes leurs fonctions (résidence, lieu de pouvoir, éventuellement place forte). Il ne s'agit donc pas que d'architecture militaire, et le terme est bien borné chronologiquement.
La bunkerarchéologie (Paul Virilio, 1975) pourrait être définie comme la branche de la fortariciologie qui s'intéresse exclusivement aux réalisations de la période contemporaine récente (20e siècle), avec initialement une approche esthétisante chez Virilio.
Doit-on pour autant néologiser de nouveau ? Des termes existants et fort anciens comme poliorcétique ou castramétation ne correspondraient-ils pas déjà à l'étude de la fortification ?
La poliorcétique est l'art de la prise des places fortes. Vauban était un excellent poliorcète (Démétrios aussi). Mais le terme, même étendu à l'art de la défense, reste étroitement associé au moment paroxystique et exceptionnel du siège. Or, combien de fortifications n'ont jamais connu l'épreuve du feu ?
La castramétation est l'art d'établir les campements militaires, art que les Romains ont porté à la perfection. Là encore le terme ne recouvre qu'imparfaitement le champ de l'architecture fortifiée.
Favorisés par la structure de la langue de Goethe ("Goethe !"), qui autorise la combinaison de plusieurs mots à volonté pour en créer de nouveaux, nos amis Allemands sont bien plus créatifs. Les chercheurs qui étudient l'architecture fortifiée Outre-Frontières-naturelles ont ainsi forgé le terme Festungsforschung, c'est à dire littéralement "étude des fortifications".
Pour trouver un équivalent dans la langue de Vauban, jouons un peu avec les préfixes et suffixes greco-latins. Le terme latin (médiéval) pour "forteresse" est fortaricia/fortalicia. Il suffit de lui accoler le suffixe grec logos ("science/discours sur") et nous obtenons "fortariciologie" (plutôt que "fortaliciologie", moins joli) et par conséquent "fortariciologue", celui qui s'adonne (sans honte ni retenue) à cette science.
Par exemple, "1846" est une association de fortariciologues dix-neuviémistes.
Fortariciologiquement vôtres.
P. Jadé
Remerciements à P. Kernevez et J.-M. Balliet.