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Association "1846"

La fortification du XIXe siècle : connaître et partager

Redoute de Kerzo, Port-Louis

Une petite redoute révolutionnaire sans prétentions, parmi les derniers vestiges des lignes de Locmalo dont elle constitue l'extrême gauche.

© Géoportail© Géoportail
© Géoportail

© Géoportail

En 1747 est entreprise la construction d'un retranchement bastionné non revêtu pour occuper les hauteurs dangereuses pour le front de terre de Port-Louis au nord de la place. Ce retranchement en forme de couronné appuyé sur la baie de Locmalo à l'est et la rade de Port-Louis à l'ouest a l'inconvénient de pouvoir être tourné par ses extrémités à marée basse. La hauteur située à la pointe de Kerzo est particulièrement identifiée comme le point d'où un assiégeant pourrait bombarder l'enceinte de Port-Louis et même prendre partiellement à revers certains de ses bastions. De plus, elle masque à la place une partie de la gauche du retranchement de Locmalo. Des projets de complément pour remédier à ces défauts sont donc proposés durant toute la seconde moitié du 18e siècle.

Evocation des lignes de Locmalo à la fin du 18e siècle, par Lionel Duigou

Evocation des lignes de Locmalo à la fin du 18e siècle, par Lionel Duigou

L'idée d'une redoute servant à ancrer la gauche des lignes de Locmalo apparaît dans les projets pour 1757. Le projet pour 1793 est plus ambitieux, impliquant la construction d'un fort occupant toute la pointe de Kerzo. Le projet définitif est celui proposé pour l'an II. La redoute apparaît achevée sur le dessin des projets pour l'an V. La branche de retranchement la reliant au demi-bastion de gauche des lignes de Locmalo est encore en projet en l'an VI mais existe en 1810. Dans les années 1810 la redoute de Kerzo est armée de deux canons de 24 livres en fer et deux de 12 livres en fer, apparemment sur affût de place ou de côte.

La redoute de Kerzo sur le cadastre napoléonien (AD du Morbihan)

La redoute de Kerzo sur le cadastre napoléonien (AD du Morbihan)

L'ouvrage, de forme polygonale irrégulière sans angle rentrant et de petite taille (300 mètres de développement, 0,5 ha), correspond à la définition d'une redoute dans le cadre de la fortification bastionnée classique. Quatre côtés du pentagone qu'il forme sont constitués d'un rempart terrassé avec revêtement maçonné en partie basse. Au sommet du terre-plein, le parapet d'artillerie délimité par un mur de genouillère en maçonnerie est épais de plusieurs mètres, sauf sur le côté nord-ouest où le tracé de la crête de feu ne suit pas celui de l'escarpe.

La gorge de l'ouvrage est fermée par un mur partiellement crénelé formant un front bastionné. La porte initiale s'ouvre au milieu de la courtine entre le demi-bastion sud et le bastion ouest. Le bastion ouest est prolongé par une hernie destinée à empêcher tout passage entre la redoute et la côte, et à flanquer le côté ouest. Cette partie de l'ouvrage a été récemment éventrée pour permettre le passage du sentier côtier. Les créneaux de fusillade du front de gorge sont desservis par une banquette en terre, actuellement disparue. Les parapets de l'excroissance du bastion ouest sont de simples murs-bahuts.

Initialement, trois bâtiments sont présents à l'intérieur de la redoute. Deux maisons se faisant face de part et d'autre du passage d'entrée servent de corps de garde et de magasin d'artillerie. Un petit magasin à poudre voûté en ogive est situé à l'intérieur du demi-bastion est. Ces bâtiments, à l'exception du magasin à poudre, ont été très affectés par la transformation de la redoute en manoir néo-médiéval et son parc. Une entrée monumentale flanquée de deux tours, ainsi que des écuries ont été construites à l'emplacement d'une partie du rempart sud.

Les extérieurs de l'ouvrage ne présentent pas clairement de fossé. Immédiatement au sud-est de la redoute subsiste un massif terrassé correspondant à la branche de rempart reliant la redoute au bastion gauche des lignes de Locmalo, et au flanc gauche de celui-ci. Il est conservé sur environ 80 mètres de long. Au moins deux bornes de délimitation de terrain militaire du XIXe siècle sont présentes.

Ce gros tas de terre informe est le seul vestige du retranchement de Locmalo

Ce gros tas de terre informe est le seul vestige du retranchement de Locmalo

Les lignes de Locmalo semblent avoir été abandonnées au cours de la première moitié du XIXe siècle. Elles sont partiellement réoccupées après 1870, mais pas la redoute de Kerzo qui serait alors tombée dans le domaine civil. La construction du manoir néo-médiéval date probablement de la fin du XIXe siècle. Il apparaît ruiné dès les années 1950.

La redoute de Kerzo en 1955 (© IGN)

La redoute de Kerzo en 1955 (© IGN)

La redoute de Kerzo est toujours propriété privée bien qu'à l'abandon. Une partie du terrain a été cédée en 2018 à la commune de Port-Louis pour la création d'un sentier côtier.

P. Jadé

Evocation de l'état actuel de la redoute de Kerzo, par Lionel Duigou

Evocation de l'état actuel de la redoute de Kerzo, par Lionel Duigou

Sources :

Service historique de la Défense, Vincennes, archives du Génie et de l'Artillerie

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