La fortification du XIXe siècle : connaître et partager
24 Septembre 2019
L'enceinte bastionnée de Brest protège l'arsenal pendant plus de deux siècles avant d'être déclassée au sortir de la Première Guerre mondiale. Elle survit momentanément aux projets d'arasement jusqu'au second conflit mondial, pour succomber finalement à l'occasion de la reconstruction de la ville, qui est enfin débarrassée de son « corset de pierre ».
Les fortifications de Brest ne sont pas pour autant un patrimoine dont il faudrait faire son deuil. De nombreux vestiges sont encore présents – dont plusieurs centaines de mètres de rempart le long du cours Dajot ! –, généralement méconnus des Brestois.
Mais même quand elles ne sortent pas de terre, les fortifications de Brest continuent d'exister sous la ville reconstruite, ne serait-ce qu'à travers le parcellaire et l'organisation du bâti.
A l'occasion des animations "L'architecture est dans la place" proposées par le service patrimoine de la ville de Brest place de la Liberté dans le cadre de l'édition 2019 des journées européennes du patrimoine, l'association "1846" a animé des ateliers et des balades sur ce thème square Mathon, devant l'ancienne demi-lune de la porte de Landerneau.
Quand l'enceinte de Brest est remblayée après 1945, l'emplacement des bastions, courtines, fossés, chemins couverts et glacis est aplani et accueille les cités de baraques temporaires. Après la reconstruction, ces espaces dégagés sont réemployés pour l'aménagement de parcs, d'équipements sportifs, d'établissements d'éducation, de bâtiments publics ou de quartiers d'immeubles collectifs.
Sur les plans et les photographies aériennes de la ville se dessinent donc des zones où se devine l'emprise des anciennes fortifications.
« Ce sont de vastes espaces ouverts et semi-ouverts qui occupent l’emplacement des fortifications et de leurs glacis. Rappelons que le plan Milineau, comme le plan Mathon, les considérait à l’instar d’une coulée verte dans laquelle prenaient place des équipements publics. Bien que l’évolution actuelle du tissu urbain tende vers une certaine forme de densification, cet ensemble forme encore une boucle faiblement bâtie. Les aménagements d’après-guerre participent à la qualité de ces espaces (ex : square Mathon intégré dans la composition urbaine de la ville, espace Kennedy traité comme un jardin ouvert sur le grand paysage maritime de la rade)[...].
C’est la trace mémorielle des fortifications et parfois leurs vestiges physiques (square Mathon) qui font sens du point de vue patrimonial. [...]
L’emprise des fortifications a fortement marqué le paysage urbain à partir du 17ème siècle jusqu’à la Reconstruction.
Aujourd’hui, même si leur lecture est plus difficile côté Recouvrance, ils sont présents sous forme de vides urbains, de dimensions, d’aspects et d’usages variés, parfois végétalisés ou parfois très minéraux ».
(AVAP de Brest, annexe 3, inventaire des espaces urbains et paysages d'intérêt patrimonial, « Les glacis »)
Orthophotographies aériennes de Brest et de son enceinte en 1919, 1950 et 2015 (© Brest Métropole)
Certains cas de quartiers ou d'établissements dont la forme actuelle est directement liée à la présence d'un ouvrage fortifié antérieur, sont particulièrement impressionnants :
Les lunettes du Stiff sont deux petits ouvrages avancés construits dans les années 1770 pour occuper le rebord du plateau dominant l'enceinte du côté de Recouvrance. Rendues inutiles par la construction des forts détachés du camp retranché de Saint-Pierre pendant la guerre d'Amérique (1778-1783), elles sont toutefois conservées jusque dans les années 1850. Elles sont ensuite rasées pour que leur emplacement serve de terrain d'entraînement. Une batterie de côte, la batterie de Kérangoff, est construite dans la partie sud du terrain à la fin des années 1870.
Après la Seconde Guerre mondiale, le terrain est occupé par des baraques. Il correspond actuellement au quartier d'immeubles de Kérangoff, dont l'implantation tranchant avec un bâti environnant plus ancien et plus bas, matérialise les ouvrages disparus du 18e siècle.
Orthophotographies aériennes de 1919 et 2015 (© Brest Métropole)
Le front de l'Harteloire est une portion d'enceinte construite dans les années 1840 pour – enfin – relier l'ouvrage du Bouguen construit dans les années 1770 à l'ancienne enceinte de la fin du 17e siècle. Il se compose de deux bastions et d'une courtine abritant une caserne casematée.
Après la Seconde Guerre mondiale, la caserne abrite temporairement des installations du lycée de Brest. Elle est rasée pour permettre la construction du nouveau lycée de l'Harteloire au début des années 1960. L'emprise du lycée conserve la forme du terrain militaire. Son bâtiment principal est construit à l'emplacement même de la courtine casematée : en fait, il repose directement sur ses fondations, qui sont encore visibles dans ses caves !
Orthophotographies aériennes de 1919, 1950 et 2015 (© Brest Métropole)
Le fort du Guelmeur est un des cinq forts détachés dont la construction est prévue au 19e siècle sur la rive gauche de la Penfeld. Il est commencé en 1862, mais est laissé partiellement inachevé en 1870. Il est conservé dans le domaine militaire jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Après la guerre, le fort est rasé et son emplacement occupé par des baraques. Dans les années 1970, un quartier d'immeubles est construit sur le terrain. Actuellement, le tracé des rues conserve la forme de l'ouvrage du Second Empire.
Orthophotographies aériennes de 1929, 1961 et 2009 (© IGN)
Nous espérons que les ateliers et visites de ces samedi 21 et dimanche 22 septembre 2019 ont permis à près de 200 personnes de découvrir cet aspect de l'histoire urbaine de Brest.
Remerciements au service patrimoine de la ville de Brest.