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Association "1846"

La fortification du XIXe siècle : connaître et partager

Porte du fort La Latte, Plévenon

Le fort La Latte est célèbre pour son four à boulets et son duel de Kirk Douglas vs Tony Curtis au sommet du donjon (Les Vikings, 1958). C'est assurément l'archétype du château-fort, avec ses hauts murs, ses tours, sa porte couronnée de mâchicoulis surplombant un pont-levis... Mais attendez, cette porte, mise en vedette dans le film de Richard Fleicher lors de la scène de l'assaut, ne serait-elle pas plus récente qu'elle ne semble ? Et si c'était une authentique pièce de fortification XIXe ?

Nooon ?

Si.

Porte des années 1840 et son organe de flanquement tentant de passer un casting pour un film de hache et d'épée.

Porte des années 1840 et son organe de flanquement tentant de passer un casting pour un film de hache et d'épée.

Avant d'être un décor de cinéma, le fort La Latte a eu une carrière de batterie de côte du XVIIe au XIXe siècle. Comme la plupart de ses consœurs, iel est laissé(e) à l'abandon à l'issue des guerres de la Révolution et de l'Empire en 1815. Quand l'actualité géopolitique un peu tendue de l'année 1840 attire l'attention sur les fortifications littorales, force est de constater la nécessité de menus travaux. Parmi ceux-ci figure le changement du pont-levis à flèche de la porte du corps de place qui "est entièrement hors de service et ne peut être levé", ce qui est fâcheux pour un pont-levis (Service historique de la Défense, département Armée de terre, Vincennes, archives du génie, 1 VH 1057, mémoire du chef du génie de Saint-Malo sur les projets pour 1841, 15 février 1841). L'entretien du fort a été tellement négligé pendant des années que l'installation d'un nouveau pont-levis ne peut se faire qu'au prix de la reconstruction totale du massif de la porte dont la maçonnerie est en très mauvais état. Le projet est établi pour l'exercice 1841 mais il faut attendre 1846 pour que les fonds nécessaires soient accordés et les travaux réalisés.

Elévation et coupe du projet de nouvelle porte du fort La Latte, 1841 (© Service historique de la Défense)
Elévation et coupe du projet de nouvelle porte du fort La Latte, 1841 (© Service historique de la Défense)

Elévation et coupe du projet de nouvelle porte du fort La Latte, 1841 (© Service historique de la Défense)

Afin d'améliorer son flanquement, la nouvelle porte est surmontée d'une série de mâchicoulis qui n'existaient pas avant. Il pourrait être tentant de voir dans ce rajout une manifestation du goût romantique pour le Moyen-Âge. Pourtant, nul revival médiéval ni démarche de restauration ici : ce dispositif est purement fonctionnel est à rapprocher des organes de flanquement similaires fréquents dans la fortification de l'époque - notamment de côte et de montagne où la menace de l'infanterie seule justifie de telles réponses pseudos-archaïques. Il suffit de penser aux bretèches des tours et corps de garde crénelés du type de 1846.

Non seulement les mâchicoulis ne servent pas à lancer de l'huile bouillante, mais en plus ils datent du XIXe siècle

Non seulement les mâchicoulis ne servent pas à lancer de l'huile bouillante, mais en plus ils datent du XIXe siècle

P. Jadé

Sources :

Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes, archives du Génie.

Philippe Truttmann, Les Derniers Châteaux-forts. Les prolongements de la fortification médiévale en France (1634-1914), Thionville, Gérard Klopp, 1993.

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